jeudi 29 mars 2012

Craignos monsters, nucléaire et système D

Le dernier coffret de la collection Prestige d'Artus Films s'aligne avec les précédents : Destination mars et Les Dinosaures attaquent. Sous l'intitulé Les Monstres viennent de l'espace, il propose quatre films réalisés à la fin des années 50 par des artisans de la série B, emblématiques d'une tendance forte de l'époque. Après le succès du mythique Le Jour où la terre s'arrêta, les films de SF prenant pour point de départ l'invasion extra-terrestre sont devenus une valeur sûre de l'industrie cinématographique, qu'elle soit financée correctement par de grands studios ou produite à l'arrache par des francs-tireurs de Hollywood. La sélection proposée par Artus est au-dessus des productions d'Ed Wood, même si les budgets ne sont pas toujours beaucoup plus riches...

The Hideous Sun Demon, valorisé en son temps par l'inénarrable J-P Putters dans la saga des Craignos Monsters (trois tomes indispensables aux éditions Vent d'Ouest) montre la métamorphose d'un savant exposé aux radiations. C'est d'ailleurs une autre constante du coffret : le rôle du nucléaire dans les intrigues, qu'il soit la cause de mutations ou l'arme envisagée pour détruire l'envahisseur.  
The Hideous Sun Demon, malgré un scénario tiré par les cheveux, se suit assez bien et ne manque pas de rythme. A la fois naïf et léger, le film bénéficie d'un casting plaisant, d'une créature hilarante et d'un final qui donne le vertige. Même si l'envahisseur, en l’occurrence, ne vient pas de Mars, le film s'inscrit bien dans l'esthétique et la débrouillardise qui caractérisent le genre et le type de productions proposées dans le coffret.
Not of this Earth est le parfait exemple de la méthode Corman : un film de science-fiction réalisé avec quatre acteurs, un scénario maigre mais retors, un soupçon fugace d'érotisme 50's et le minimum syndical d'effets spéciaux. Exemple : l'extra-terrestre, personnage central du film et menace pour les protagonistes, se caractérise par son regard blanc (une paire de lentilles opaques, cachées la plupart du temps sous des lunettes noires) qui suffisent à le rendre bizarre et inquiétant. 


Le film navigue d'ailleurs entre SF, horreur et thriller, même si le manque de moyen empêche un peu le décollage. Maximum respect cependant pour le minimalisme du maître : Not of this Earth est déjà le 9ème film dans la carrière de Roger Corman qui avait démarrée moins de deux ans auparavant !
A noter également la présence au générique de Dick Miller, gueule incontournable de la série B qui deviendra acteur fétiche de Joe Dante. Il interprète ici un vendeur d'aspirateurs particulièrement encombrant pour le méchant Alien : Corman venge avec humour et en quelques minutes des générations de victimes du porte-à-porte ! Enfin, on saluera la pirouette finale dont l'ambiance n'est pas sans évoquer avec un peu d'avance le début de La Nuit des mort-vivants.
Un soupçon fugace d'érotisme fifties

des effets spéciaux terrifiants
















Et Dick Miller !




Pour The Cosmic Man c'est exactement l'inverse : la réalisation est peu inspirée et c'est d'autant plus dommage que l'histoire comporte quelques idées intéressantes. Mélange approximatif d'Invaders from mars (voir coffret Destination Mars chez le même éditeur) et de The Lodger, il place un mystérieux inconnu dans une pension où se côtoient, avec une diplomatie un brin forcée, scientifiques et militaires. Cherchez l'intrus, mais aussi cherchez la femme, objet de séduction et de convoitise dont le fils jouera un rôle capital dans le dénouement de l'intrigue. Étonnamment critique envers la discipline et la mentalité militaires (surtout en cette époque de triomphalisme américain), le film se rapproche du pacifisme du Jour où la terre s'arrêta, mais s'avère au final encore plus pessimiste.


Enfin on doit le dernier titre, Kronos, à Kurt Neuman, stakhanoviste de la série B passé par tous les genres (dont quelques Tarzans avec Jhonny Weissmuller), qui réalisera l'année suivante son classique de l'horreur scientifique : La Mouche noire. Là, on a droit aux soucoupes volantes, aux labos plein de boutons électroniques, aux mystérieux rayons lumineux, et à un stupéfiant robot géant qui terrorise la planète afin de pomper toute son énergie. On s'y ennuie un peu, on y rit pas mal, et l'on se demande si le Cinémascope a vraiment été inventé pour ça !


Au final, encore une fois, la sélection d'Artus Films rappelle l'intérêt majeur du DVD pour constituer une mémoire vive du cinéma. Si la qualité des films est variable et leur intérêt historique peut se discuter au cas par cas, le coffret offre un regard émouvant sur une période révolue du spectacle cinématographique et permet de mesurer ce qu'on a perdu en naïveté et, par conséquent, en capacité d'émerveillement. 
Les bonus sont réduits à la portion congrue (bandes-annonces et diaporamas), les copies sont un peu touchées mais le transfert est nickel.
Surtout, une fois de plus, le visuel du coffret est splendide, aussi bien en couverture que sur les rabats intérieurs, et les fameuses cartes postales reproduisant les affiches d'époque en font d'ores et déjà un objet précieux, aux prix imbattable de 22,90€.     



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