jeudi 19 avril 2012

Cavale insolite

Au risque de se répéter (et de résonner avec ce qui se dit ailleurs, par exemple chez les amis de The End) Artus Films s'affirme comme un des plus passionnants éditeurs de DVD à l'heure actuelle, alliant  gout de la découverte, soin de l'emballage (jolis visuels et suppléments pertinents) avec une politique tarifaire exemplaire. 
En atteste l'arrivée dans leur catalogue d'une nouvelle rareté atypique du cinéma policier. La première partie de L'Evadée s'inscrit dans la grande tradition du film noir avec un personnage légèrement à la dérive, Chuck Scott (incarné par Robert Cummings, déjà à l'honneur dans la dernière livraison d'Artus Films, le film noir post Révolution Française Le Livre noir) qui se fait engager par Eddie Roman, un caïd de la pègre, démiurge et sadique (Steve Cochran, émérite second couteau du cinéma policier) et tombe amoureux de la femme de celui-ci (Michèle Morgan dans sa courte carrière hollywoodienne, étonnamment crédible). 
Le schéma est connu mais, déjà, certains détails mettent la puce à l'oreille sur la singularité de cette série B. La séquence de manucure du caïd Eddie est d'une violence stupéfiante, non seulement pour l'époque, mais paraît encore assez malsaine, tant elle tranche avec les codes du cinéma contemporain. Sa soif de pouvoir est soulignée par un gadget automobile assez amusant au départ et finalement déterminant dans l'originalité du scénario. Notons, aux côtés de Steve Cochran, la présence d'un Peter Lorre coincé dans son personnage de second, veule et maladif, qui rappelle immanquablement sa prestation dans Arsenic et vieilles dentelles, tourné deux ans plus tôt.



Mais c'est à partir de la fuite des amants que le film prend toute son originalité et se place définitivement à la marge du genre. Il serait dommage de raconter les circonvolutions du scénario adapté de William Irish par le prolifique Philip Yordan (entre autres, encore Le Livre Noir d'Anthony Mann, mais aussi le chef d’œuvre de Nicholas Ray Johnny Guitar), d'autant plus qu'une mise en scène classique mais habilement découpée en fait un voyage purement cinématographique. Disons qu'à l'instar d'En quatrième vitesse de Robert Aldrich ou de l'hallucinant Dementia de John Parker (disponible chez Bach Films), L'Evadée sort des codes traditionnels pour explorer des zones non balisées du genre et aboutir à un objet difficile à identifier. Ce sera d'ailleurs l'un des derniers films pour le cinéma d'Arthur Ripley, réalisateur mais aussi, selon les périodes, scénariste, producteur ou chef opérateur, ayant démarré sa carrière dans le cinéma muet pour la finir à la télévision à la fin des années 50. Il reste de la matière à découvrir...

Le DVD :
A partir d'une copie plutôt bien conservée, un master de bonne facture respectant les nuances du noir et blanc, même si la définition est parfois un peu juste. Comme d'habitude chez Artus Films, en plus du film, quelques suppléments bienvenus dont un regard éclairé sur le film par le spécialiste français des déviances criminelles en tous genres : Stéphane Bourgoin. A cela s'ajoute un court-métrage français contemporain, L'héroïne, plus un  diaporama d'affiches et de superbes photos d'exploitations colorisées dont on aurait aimé voir tirer une ou deux cartes postales. Mais on ne voudrait pas abuser non plus...  

L'Evadée fait partie de la nouvelle livraison d'Artus Films annoncée pour le 2 mai, avec Le Tueur de Boston dont nous vous reparlerons bientôt ici-même.


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