vendredi 8 juin 2012

Romantisme gothique

De la dernière fournée DVD d'Artus films, s'il est un film qui mérite de trôner au sommet de la collection "Les chefs d’œuvre du gothique", c'est bien L'Effroyable secret du docteur Hichcock de Riccardo Freda.
On le sait, le cinéma de genre italien est en pleine réévaluation depuis une dizaine d'années, ce qui permet de découvrir non seulement quelques vrais bijoux mais carrément des pans entiers d'expérimentations, de fétichisme, d'hallucinations cinématographiques... Cette pêche aux trésors ne va pas sans quelques abus, et, après quelques décennies de mépris, on assiste  à un délire italianophile qui porte aux nues tout ce qui a été produit entre 1960 et, disons, 1986* dans le cinéma de genre transalpin. Difficile, du coup, de faire son miel dans la profusion de films qui ressurgissent aujourd'hui, mais, heureusement, il y a des évidences : L'Effroyable secret... en fait partie.


Avant tout pour sa beauté plastique, au service d'une histoire d'un romantisme morbide assumé qui rappelle les plus belles pages du roman gothique anglais. Les décors et la photo, à faire pâlir la Hammer Films, ne constituent pas seulement un plaisir esthétique, ils conditionnent totalement un spectateur aussi prisonnier de la demeure du docteur, que la nouvelle épouse de celui-ci, incarnée par la reine Barbara Steele. 



Si l''intrigue s'inscrit dans l'héritage de Rebecca d'Hitchcock et du Château du Dragon de Mankiewicz, on sent bien que Riccardo Freda s'intéresse plus à la mélancolie qu'au suspense. Le professeur Hichcock a inventé un sérum censé maintenir les moribonds en vie. La première partie développe tout un rituel dans lequel il injecte des doses à son épouse qui, malgré (ou à cause) des soins prodigués, finira par succomber. Freda ralentit le temps, s'attarde sur la fascination silencieuse du professeur pour son épouse et fait d'une banale scène d'enterrement sous la pluie une séquence des plus poignantes.



Pas ennemi de l'ellipse temporelle pour autant, le réalisateur fait alors un bond de 12 ans, lorsque le veuf, après s'être éloigné de sa demeure, y revient avec sa nouvelle épouse. A partir de là, le film n'est plus qu'une lente poursuite amoureuse de Barbara Steele qui déambule dans les couloirs un chandelier à la main, s'accroche aux ronces dans une nuisette blanche vaporeuse, écarquille les yeux sous les éclairs et s'évanouit à tout de bras sur les tapis épais du manoir. 
Plus encore que dans Le Spectre du professeur Hichcock, réalisé l'année d'après (et disponible également chez Artus), Riccardo Freda délaisse l'efficacité au profit d'une quête perpétuelle de la beauté. Bien sur, il faut entrer dans le faux-rythme du film, mais le jeu en vaut largement l'éclairage à la chandelle !



Le DVD :
Comme pour Vierges pour le bourreau, la copie est particulièrement belle, ce qui, évidemment, rend hommage à l'image éblouissante signée Raffaele Masciocchi. Le son est clair et le transfert très équilibré.
En revanche, côté bonus, on reste un peu frustré par les 20 minutes accordées à Gérard Lenne sur le film. S'il connait son affaire, le critique manque singulièrement d'enthousiasme et d'inspiration face à la caméra. Et, surtout, il rate un peu le coche lorsqu'il dérive de la fascination morbide du professeur Hichcock vers un historique de la nécrophilie au cinéma qui s'avère carrément léger. C'est d'autant plus dommage que Gérard Lenne fut un ardent défenseur du cinéma fantastique dans la presse cinéma, à une époque où l'exercice était nettement moins prisé qu'aujourd'hui.
Reste un joli diaporama et quelques bandes-annonces réjouissantes.

  


* 1986 : année de sortie de Bloody Bird de Michele Soavi, choix tout à fait subjectif et arbitraire.

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