vendredi 5 octobre 2012

Gothiquissime















 
Pour d'évidentes raisons commerciales, le cinéma italien a imité dans les années 60-70 les genres les plus populaires du cinéma américain, et, dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, anglais. Au-delà des motivations pécuniaires, il y a quelque chose de fascinant à voir avec quel acharnement les réalisateurs reprennent les codes et tics des modèles et finissent par être plus vrais que les originaux.
Ainsi en va-t-il du gothique italien, calqué en partie sur les Frankenstein et Dracula de la Universal, mais surtout directement inspiré des premiers succès de la Hammer Films qui apporta à la fin des années 50 une dose de violence et d'érotisme au genre, sublimés par une réalisation fauchée mais habile. 

Mario Bava, Ricardo Freda (qui avait un peu anticipé la chose avec Les Vampires en 56) et une flopée d'autres, dont Camillo Mastrocinque, réalisateur touche-à-tout, en activité depuis les années 30.  
Nouveauté de saison chez Artus Films, La Crypte du vampire, sorti en 64, est une adaptation non avouée (certainement là aussi pour de basses raisons pécuniaires) de la magnifique nouvelle de Sheridan Le Fanu Carmilla. Ce texte, antérieur à Dracula de Bram Stoker, utilise le fantastique et le vampirisme pour évoquer une relation saphique aussi troublante qu'envoutante. Qualités que l'on retrouve dans le film qui laisse une grande place aux personnages féminins et à l’ambiguïté de leur relation. Comme dans la nouvelle, Laura, une jeune femme s'ennuie dans le château de son père. Elle est de plus assaillie d'effrayantes visions nocturnes, apparemment liées à une malédiction familiale.
L'attention que lui porte un jeune restaurateur de tableaux engagé par son père semble à peine l'éveiller de son apathie dépressive, lorsqu'un accident de calèche amène au château Ljuba, jeune fille fragile qui ramène immédiatement le sourire sur le visage de Laura. Aidé par un chef opérateur brillant, Mastrocinque s'applique à filmer les visages et les corps des personnages dans leurs déambulations nocturnes, leurs ballets amoureux, ou leurs échanges de regards suggestifs avec une grande intensité. Les jeux d'ombre et de lumière dans les décors somptueux du château et de ses alentours entérinent cette idée qu'un certain cinéma n'a aucun besoin de la couleur.


Et puis, le film est un catalogue copieux des spécificités gothiques : château massif, crypte cachée, éclairage aux chandelles, parchemins et tableaux mystérieux, déshabillés vaporeux, cris d'effrois, fenêtres qui claquent, morts qui se relèvent, ésotérisme symbolique, malédiction ancestrale, sorcier bossu et, caution ultime, Christopher Lee, transfuge de Dracula, ici dans le rôle du châtelain, pour une fois plus victime que personnage maléfique. 
La Crypte du vampire s'avère au final, bien plus qu'une copie de la Hammer , une des plus belles réussites d'un genre qui, sous les apparats de l'horreur laisse émerger une sensibilité terriblement romantique.


Le DVD :
La copie d'origine si elle n'est pas totalement parfaite, s'avère de très bonne qualité, et l'étalonnage restitue bien les subtilités de la photographie noir et blanc. Le son de la version originale connait quelques variations de niveaux, ce qui semble plus dû à l'alternance de prises directes (rarissime à l'époque dans le cinéma de genre italien) et de postsynchronisation sur le film d'origine, qu'à la compression numérique très correcte.
Côté bonus, on retrouve avec plaisir le passionné Alain Petit qui énumère les carrières du casting et de l'équipe de réalisation avec son érudition sans faille. Il semble cependant d'un enthousiasme modéré sur le film dont il évoque pourtant la belle carrière dans les salles françaises en terminant par ces mots : "C'est un film qui a été beaucoup vu et qui a surtout eu la chance d'avoir Christopher Lee au générique". Oui, certes, mais pas seulement...

Concours de robes de chambres entre José Campos et Christopher Lee
 

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