jeudi 18 avril 2013

Un giallo à la sauce allemande



Masks d’Andréas Marshall


Oui, oui, vous avez bien lu. Les Allemands se mettent à faire des giallli. Genre que l’on pensait disparu ou bien ressuscité par éclat et notamment par le maître et inventeur du genre Dario Argento.

Mais « Méfiez vous des apparences » est-il écrit comme phrase d’accroche sur la jaquette. Ah nous voilà prévenu. Ce film allemand d’horreur se découvre donc au fur et à mesure comme un véritable giallo, un genre historiquement incarné par les cinéastes italiens. Né dans les années 70, celui-ci a des codes bien spécifiques avec son tueur pervers et mystérieux, habillé de noir, portant des gants... et traînant souvent avec lui des traumatismes qui remontent à l’enfance. Il y a tout ça dans Masks avec en plus un hommage à Dario Argento. En effet, comment ne pas voir dans Stella, belle jeune fille intégrant une école d'acteurs privée, la jeune Suzy arrivant dans une académie de danse dans le Suspira d’Argento. Tout au long du film on reconnaît la lumière rouge  baignant le visage de l’héroïne, les couloirs inquiétants, les paroles chuchotées s’échappant des portes laissées entrouvertes ou de derrière ses rideaux. 



Mais la différence c’est que Suspiria n’était pas un giallo mais un film d’horreur fantastique avec ses sorcières. Ici donc, pas de sorcellerie mais des méthodes barbares de théâtre. L’école où atterrît Stella a un passé sulfureux : dans les années 70, le professeur de théâtre Matteusz Gdula y pratiquait une méthode violente et perverse. La mort de plusieurs étudiants et le suicide de Gdula avaient d’ailleurs imposé l’interdiction de celle-ci. Mais a-t-elle vraiment disparu ?




Ratant une audition dans une prestigieuse académie, Stella est donc dirigée vers cette école où, dès ses premiers pas, elle tombe nez à nez avec une jeune femme qui semble s’en enfuir. Mal accueillie par les étudiants, elle cherche à faire sa place et découvre que des cours particuliers, très secrets, sont donnés derrière une porte toujours fermée. Tiens tiens… Son désir de devenir une formidable actrice sera plus fort que le danger et engagera alors le film dans une variation faustienne. Stella ira-t-elle jusqu’à pactiser avec le diable et boire le sang de ses concurrentes pour réussir ? 


Ne pourrait-on pas y voir aussi une réflexion tarabiscotée sur la perversité des acteurs et leurs méthodes d’interprétation où ils sont parfois appelés à se projeter personnellement dans leur personnage, à rechercher en leur moi intérieur les émotions à jouer, jusqu’à passer par différents masques ! Et oui, ils sont là les masques du titre du film.

Ainsi, l’auteur réalise un giallo dans les règles de l’art, n’hésitant pas à faire dans le sanguinolent et à jouer de la perversité de ces meurtres, tous très silencieux au bout d’une longue et fine épée. L’horreur en est décuplée. Des meurtres qui ne traînent pas en longueur d’ailleurs et c’est une bonne chose. Andréas Marshall ne veut peut pas mettre les spectateurs en position de voyeur/pervers devant ces scènes de violence mais désire, par contre, montrer la perversité du tueur. C’est l’essentiel et encore une fois, nous sommes bien loin des références à la série Saw que l’on peut lire sur cette jaquette. Là aussi méfions nous donc des apparences. Sinon, il y a bien quelques petits passages ringards de mise en scène avec ces montages épileptiques d’images subliminales lorsque Stella vit des moments d’intenses introspection-droguées. On peut aussi très bien considérer que cela fait partie du décorum et cela ne dénote donc pas.


Alors sans le génie de la mise en scène d’un Argento mais avec un certain savoir-faire, de l’humilité aussi, Marshall, comme un bon artisan, réussit à mouler un intéressant Masks, giallo allemand contemporain. 
Julien Camy


Masks De Andréas Marschall, avec Susen Ermich et Peter Donath
Editeur Filmedia (Blu-ray et DVD)


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